
Julie Taillon/LCF.ca

REGINA – Ils se sont affrontés au cégep. Ils se sont affrontés à l’université.
Cette semaine, ils seront pour la première fois réunis dans le même clan… en quelque sorte.
Depuis plusieurs années, les quarts-arrière Jonathan Sénécal, des Carabins de l’Université Montréal, et Arnaud Desjardins, du Rouge et Or de l’Université Laval, sont considérés comme les meilleurs passeurs québécois, voire canadiens, de leur génération.
Se retrouvant habituellement aux antipodes d’une des plus grandes rivalités sportives au Québec, les deux joueurs sont cette semaine réunis à Regina pour prendre part au camp d’évaluation de la Ligue canadienne de football (LCF). Donc oui, ils porteront le même chandail, ils piloteront la même attaque et ils recevront leurs instructions des mêmes entraineurs. Mais il ne faut pas s’y méprendre : la rivalité qui les oppose depuis le cégep ne sera pas tout à fait une histoire du passé.
Après tout, le camp d’évaluation est la dernière occasion pour les joueurs de prouver aux dirigeants des neuf équipes du circuit qu’ils ont ce qu’il faut pour connaitre du succès chez les professionnels.
Je me suis entretenu avec les deux fleurons québécois, jeudi, soit moins de 24 heures avant le début de la portion des tests physiques du camp d’évaluation.
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Arnaud Desjardins du Rouge et Or de l’Université Laval a connu une saison monstre en 2024, amassant 2373 verges par la voie des airs et 17 passes de touché – contre une seule interception – en huit partie (Université Laval)
Les deux joueurs sont assis l’un à côté de l’autre. Il se sont salué poliment et regardent maintenant un peu partout autour d’eux, en attendant que l’entrevue débute. J’ai presque l’impression d’être le médiateur entre deux puissances internationales qui négocient un traité de paix. Presque.
Je leur demande ce que ça fait de se retrouver dans le même uniforme pour la première fois de leur carrière.
« Je trouve que ça prouve tous les efforts qu’on a mis depuis quatre ans, nos efforts sont récompensés », affirme Sénécal.
« Ça va être spécial », renchéri Desjardins. « Jo et moi, on joue contre depuis le cégep. D’être enfin sur le même terrain, du même côté du ballon, ça va être le fun. »
L’excitation entourant les deux quarts-arrière est palpable à Regina. En plus de l’aspect sportif de la chose, les deux athlètes sont très en demande auprès des médias présents en Saskatchewan. Et pour cause!
L’an dernier, Desjardins et Sénécal ont brillé sur la scène universitaire canadienne.
À Laval, Desjardins a connu une saison monstre, amassant 2373 verges par la voie des airs et 17 passes de touché. Fait impressionnant, il n’a été victime que d’une interception en huit rencontres de saison régulière.
Du côté des Carabins, la pression était grande sur les épaules de Sénécal. Après avoir remporté la Coupe Vanier et avoir été le récipiendaire du trophée Hec Crighton en 2023, il devait poursuivre sa lancée pour sa dernière saison avant d’être admissible au repêchage de la LCF.
On peut dire mission accomplie. En huit rencontres, le passeur des Carabins a complété 71,5 % de ses passes pour 2320 verges et 15 touchés. Il a de plus ajouté 278 verges et trois touchés au sol.
Justement, quand je leur demande quelle qualité de l’autre ils aimeraient ajouter à leur arsenal, Desjardins me mentionne la grande mobilité de Sénécal.
« C’est sûr que je prendrais sa mobilité », me répond le quart-arrière du Rouge et Or. « Il peut étirer le jeu et créer des choses avec ses jambes. C’est un aspect qui est spécial chez lui. »
« Moi c’est son calme dans sa pochette », affirme Sénécal. « Parfois, j’ai tendance à vouloir sortir vite pour essayer de créer des jeux, mais ce n’est pas nécessairement le bon truc à faire. De rester dans la pochette et prendre de bonnes décisions, c’est quelque chose qui pourrait m’aider. »
Le gazon est toujours plus vert chez le voisin, me dites-vous. Il est très intéressant de voir que les deux passeurs connaissent bien le style de jeu de leur homologue.
Vivement la première séance d’entrainement où nous pourrons les voir interagir ensemble sur le terrain.
UNE RIVALITÉ BÉNÉFIQUE

En huit rencontres, Jonathan Sénécal des Carabins de l’Université de Montréal a complété 71,5 % de ses passes pour 2320 verges et 15 touchés (Université de Montréal)
La rivalité qui oppose le Rouge et Or aux Carabins est l’une des plus ancrées dans l’imaginaire collectif québécois. Les jeunes joueurs qui y prennent part vivent des expériences que peu d’athlètes d’âge universitaire ont la chance de vivre. En septembre dernier, plus de 20 000 partisans se sont réunis au Peps de Québec pour assister au match entre les deux équipes.
Quand on les questionne à ce sujet, les deux joueurs partagent les mêmes bons souvenirs de l’événement.
« C’est une atmosphère spéciale; ce sont les matchs les plus excitants à jouer », dit Desjardins.
En plus d’être excitants, ces matchs représentent un avant-goût parfait pour se préparer à l’ambiance que l’on retrouve dans les stades de la LCF. Les deux espoirs sont d’avis que cela leur confère un avantage face aux autres joueurs universitaires qui n’ont jamais vécu ce type d’affrontement.
« Assurément », répond immédiatement Sénécal. « À Laval, les partisans sont intenses, ils te disent plein de trucs. C’est le genre d’affaires que pas beaucoup de joueurs universitaires ont eu l’occasion de vivre. Quand le Rouge et Or entre sur le terrain, il y a des feux d’artifice. Ce sont des trucs que tu dois vivre pour bien les comprendre. »
« On bénéficie vraiment de cette rivalité-là », ajoute Desjardins. « On a la chance de jouer trois gros matchs par année. Ça nous fait grandir; au début on était tous un peu plus fébriles, à la fin, on utilisait l’énergie pour performer. »
Au cours des trois prochains jours, les estrades du AffinityPlex seront en grande partie vides, mis à part quelques fidèles partisans des Roughriders. Pourtant, les passes que Sénécal et Desjardins lanceront seront peut-être les plus déterminantes de leur carrière.
Le plafond de verre qui semblait empêcher les passeurs canadiens de s’établir comme partant dans la LCF semble s’évanouir de plus en plus.
Sur neuf équipes, deux comptent actuellement sur des Canadiens pour piloter leur attaque. Nathan Rourke (Lions) et Tre Ford (Elks) sont des exemples concrets que l’époque où les quarts-arrière canadiens devaient changer de position pour espérer jouer chez les professionnels est peut-être bel et bien dernière nous.
Jonathan Sénécal et Arnaud Desjardins sont les produits des années de perfectionnement du football au Québec.
Maintenant, pour atteindre leur but ultime, leur rêve qu’ils cultivent depuis de longues années, il ne leur reste plus qu’à faire ce qu’ils font de mieux : jouer au football.
Comme l’a si bien dit le receveur des Argonauts Kevin Mital dans une entrevue avec moi plus tôt cette année, « amuse-toi, joue au football. Si tu t’es rendu au camp d’évaluation de la LCF, ils savent déjà qui tu es. »